Obituaries
Dr Pierre Haour

 MARY BARNES

Un autre voyage pour Mary Barnes

De nombreux journeaux de la presse britannique et américaine ont annoncé la disparition de Mary Barnes Le personnage a été connu des les années 60-70 ,par la publication d’ un ouvrage « Mary Barnes : un voyage à travers la folie »  (ouvrage paru en langue anglaise : « Mary Barnes :two accounts of a journey through Madness » by Mary Barnes and Joseph Berke ISBN 197I ;traduction francaise :édition du Seuil ).Le livre a été ecrit ,par une patiente ,en association,  avec son psychiatre :il relatait  son parcours de  patiente psychotique ,accompagnée  par son thérapeute,s dans un vécu de regression vers un etat profond d’ infantilisme ,puis progressivement d’émergence vers une normalité.

Les années 60-70 ,ont été favorables on le sait à  l’issue de nouvelles  formes de pensée et de comportements. Ces années ont marqué notament  le domaine de la psychiatrie avec le   traitement de la  psychose .C’est l’ école anglaise,avec le mouvement de l’antipsychiatrie,qui a proposé un nouvel abord  des patients atteints decette affection  et ouvert ainsi   le champ thérapeutique La conception de la psychose selon Ronald Laing chef de file de cette école et avec lui Joseph Berke ,est « qu’il s’ agit d’ un vécu  du reel,de nature cyclique ,par lequel le moi se renouvelle-et une conception  selon laquelle une personne peut fonctionner à plusieurs niveau de régression à la fois »Si on laisse des patients rétrograder  aussi profondément qu’ils en ont la possibilté ,sans l’ intervention d’ aucun traitement médical,on voit qu’ on donne en meme temps a ces patients la possibité de recuperer un équilibre mental.

    Ce fut l’ expérience de  Mary Barnes .Née en 1923 Elle paraissait ,pendant la premiere partie de sa vie, pésenter un équilibre satisfaisant  Elle était issue  d’ une famille dite équilibrée ,mais seulement en apparence :elle avait deux sœurs et un frere (Peter dont il est question souvent dans son livre ) qui fut traité pour schizoprénie .Elle fit des études d’ infirmiere :elle fut meme infirmiere dans l’armée britannique en Afrique.Au cours de sa pratique dans les hopitaux ,elle fut l’ objet de nombreuses crises de depression ,dont elle tenta de maitriser les acces par de multiples activités , avec acharnement dans sa profession et aussi comme enseignante .Elle tenta meme une expérience mystique en se convertissant au Catholicisme et tentant de se faire admettre dans un couvent de Carmélites .Malgré cela elle n’évita pas des périodes d’hospitalisation en hopital psychiatrique et l’ administration des traitements classiques(electro-choc ,insuline)Malgré toutes ces tentatives pour maintenir une « normalité » Mary Barnes sentit que le sol ,sur lequel elle tentait de se maintenir,  devenait de plus en plus fissuré Elle s’ informa des mouvements psychanalytiques (elle avait meme écrit à Anna Freud) et finit par etre  mise en relation avec Ronald Laing .Apres une longue attente, due à l’ organisation en cours du centre qu’il avait créé (Kingsley Hall) elle   pu  etre admise dans ce centre.Elle trouva là immédiatement   les conditions ,la permission ,de se laisser  aller à une « plongée rétrospective »Ce qui fut concrétisé par des comportements aberrents traduisant une regression archaique, figurant la période post natal ou meme intra-utérine.. ‘( Mary Barnes avait la quarantaine) ;...On est témoin à travers le livre nombreux épisodes regressifs spectaculaires ( nourissage au biberon,caprices et crises de rage ..)Sa .prise en charge fut conduite d’ abord par son psychothérapeute  « accompagnateur » ,Joseph Berke,psychiatre psychanalyste,venu des Etats unis travailler aupres de Ronald Laing et aussi  par un ’entourage soignant attentif :dont on  ne peut qu’ admirer l’engagement,l’ enthousiasme’,. .La remontée des « enfers »s’est faite grace aux qualités de sa prise en charge,  mais sans doute aussi à la singuliere personnalité de Mary Barnes Le reour vers la normale a pu se manifester surtout  à partir du moment ou la patiente  a commencé à abandonner ses comportements scatophiles et les remplacer par une activité artistique .A l’ instigation de J.Berke, elle s’ est mise à la peinture, pour generer dans la suite une énorme production de représentations picturales  A travers cette activité picturale  il lui a été possible de s’exprimer  dans sa souffrance et ajuster progressivement son  rapport aux autres et à elle-meme .En outre la qualité de son art s’ameliorera  au point qu’ on lui demanda de faire des expositions de ses tableaux à Londres et ailleurs ; Expositions qui eurent du succes et firent l’ objet d’ articles de la presse et d’émissions télévisées ..Dans la seconde partie de sa vie Mary Barnes   pu parler de son « expérience »,la transposer non seulement sous forme de peintures mais aussi de poésies .En plus elle voyagea beaucoup,donna des interview et des conférences Il y eut une piece de théatre ,élaborée d ‘apres son histoire (« Mary Barnes »  piece de David Edgar) représentée à Londres et aux Etats-Unis.    .Mais surtout  par sa présence et son intervention dans de nombreux centres spécialisés Mary Barnes  contribua beaucoup à secourir ceux qui  avaient à vivre leur psychose Enfin grace à ce « voyage à deux » ,parfois en symbiose ,sont nés à Londres des Centres dits de Crises,créés et dirrigés par Joe Berke (« Arbours » :des abris,des ports) ou il est possible de reprendre vie.

                       Mary Barnes est morte,d’ une façon inattendue  ,le 29 juin dernier,à l’ age de 78 ans dans le petit pays  du Haut –Nord de Ecosse ou elle s’ était retirée ou elle conservait une activité appréciée  .Son psychothérapeute et co-auteur venait juste de lui communiquer la nouvelle d’ un projet en France d’ un film sur le « Voyage » et meme d’ un opera .. ;

Le retentissement , meme endehors des milieux spécialisés, du vécu d’ une pareille expérience’,,relaté par un livre traduit en17 langues , ne doit pas nous surprendre. Il a laissé sa marque,meme trente années passées Car .il aura rendu l’espoir à bien des malades mentaux ,de ne plus etre étiquetés comme aliénés définitifs ;  comme l’ affirme J.Berke il aura démontré pour des malades « la possibilités d’ abandonner des défenses abhérentes, pour réussir une nouvelle et vitalisante relation avec eux-meme et avec les autres,à condition qu’il leur soit donné ’l’espace et le temps suffisant pour traverser une période d’ intenses et profondes perturbations ».Le «Voyage » de Mary Barnes a sans doute aussi des résonances particulieres à chacun de nous.

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